Hubert nous parle d’Helichryse

Le 20 nov 2021

« J’ai eu le privilège d’écouter en avant-première « Born in pain » 1er album du groupe bordelais Helichryse.
Comme la botanique m’intéresse à peine plus qu’un cours sur le planté de bâton par Michaël Schumacher j’ignorais que l’Hélichryse était une petite fleur jaune qui sert à fabriquer de l’huile essentielle pour soigner les petits traumas. Par contre on la retrouve en photo sur l’élégant artwork de l’album qui semble redéfinir la « nature morte » en mode « vous emmerdez pas avec le second degré ».

Helichryse est un quatuor de jeunes bordelais qui en plus de posséder une carte VIP chez Jardiland a décidé de s’inscrire dans un courant musical qui risque de les éloigner des kermesses scolaires et autres Ehpad… Les gars envoient, font dans le lourd, le gras, le metal qui tâche.

On y retrouve Sébastien au chant growl (technique vocale qui donne une voix caverneuse au mec qui au p’tit déj’, doit déguster des cailloux trempés dans son Jack Daniel). Le garçon, vraisemblablement schizophrène, alterne avec élégance les sons growl et un chant plus solaire et pop comme un dialogue surréaliste et un peu flippant entre Max Cavalera et Brian Molko

À la 6 cordes, on retrouve Damien qui porte la partie mélodique à grands renforts d’effets et de riffs redoutables. Je le soupçonne d’avoir plus de bras que le commun des mortels et un budget illimité au « Royaume du pedalboard ». S’il semble nostalgique des groupes de hard des 70’s et des 7 cordes du début des 90’s, son panel de jeu n’est pourtant ni daté ni classique.

Et puis on a une section rythmique de bûcherons, Yaël à la basse et Mathias à la batterie. Les mecs envoient des ruptures, syncopes, changement de rythmes et infrabasses au même rythme que les bullshit sur BFM. Yaël reste centré sur des sonorités très lourdes qui contrastent à merveille avec les son très heavy de la gratte. Quant à Mathias, il est calé sur un rythme de métronome sous coke. Putain ça trace…

Au final, ça donne un album excitant, tendu et fracassant. Mais rentrons un peu plus en détail dans le programme des festivités…

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01-Old Shadows

Ca donne le ton direct… « It’s coming from the dark » et le Dark a l’air étouffant, âpre et accueillant comme un sourire d’Emile Louis… En tout cas l’intro déclencherait chez le dernier neurasthénique un head banging à la Wayne’s World.

Alors que le combat fait rage et que les humains semblent en prendre plein la tronche, le groupe, lui, ne semble pas prêt d’abdiquer. Grace à mon bac +9 en second degré, je suis à peu près sûr que ce combat est une métaphore d’une société en perte de sens (ou alors d’un gars qui se serait cogné le petit orteil sur une table basse dans une pièce obscure, mais j’y crois moins).

En tout cas, le morceau boosté à la testostérone propose un pont extraordinaire alternant une rythmique très droite et des breaks de batterie aussi précis qu’entropiques. La guitare clos le morceau avec un vibrato dingue, effet trop souvent considéré comme has-been et qui laisse l’auditeur reprendre son souffle, impatient d’entendre la suite. Quelle mise en bouche!

02-Bloody Demonstration

Ce morceau évoque le droit, bien qu’inaliénable, de ne pas accepter de crever la gueule ouverte, bafoué par un pouvoir répressif utilisé sans réserve. Heureusement que tout cela n’existe pas de nos jours… Ahahah… quelle imagination ces Helichryse, je ne vois vraiment pas où ils trouvent leur inspiration… Les refrains semblent convoquer un Alice Cooper qui aurait retrouvé ses cordes vocales en rangeant ses chaussettes le matin même.

Le côté théâtral de ces chœurs aigus est tout à fait assumé et lance un refrain tout droit sorti d’une meute de manifestants. La dernière partie du morceau monte progressivement jusqu’au solo incroyable de Damien qui se fond dans les sirènes de la police. Le récit d’une charge policière et le témoignage d’un manifestant écœuré sont superbement accompagnés par le band.

Les dernières phrases revendiquées par le groupe à la fin du morceau m’évoquent la même exaspération ressentie dans les dernières phrases de Know Your Ennemy de Zach de la Rocha et ses camarades de Rage Against The Machine.
Putain, ch’uis chaud… 2 morceaux et j’ai déjà envie d’un tête à tête avec Erick Zemmour dans un hexagone.

03-Fashion Victim

Ok, là aussi ça dénonce. On y parle de ces stars de la vacuité dont l’image est la seule gloire et ne proposant qu’une alternative bisounours à une réalité qu’ils tentent de fuir. En gros, des baltringues qui ne sont que des étendards d’un monde à la Matrix.

Helichryse renvoie toutes ces illusions face à la réalité insipide de leur rôle. Il y a un côté System of a Down dans la composition du chant alternant entre la voix caverneuse qui décrit la situation et la partie plus solaire est sans appel sur la volonté de rester éloigné de cette réalité pervertie.

04-Relief In Death

Le groupe nous propose une intro qui laisse peu de place au doute. Ça va bastonner. Après une voix en mode mono rejoint par un basse / bat en dolby surround qui explose et place le morceau sur orbite, bam ! Voilà un contre-pied, avec un pré-refrain dansant, une pause et on repart dans un gouffre toujours plus profond et lourd. On passe de la double-croche à la noire avec une cohérence qui force le respect. Le morceau ressemble à une onde vibrante qui se contracte autant qu’elle se dilate.

Le groupe impose le rythme de la balade et telles les montagnes russes on alterne entre répits et accélérations. Même la ligne de basse semble happée par ces alternances bas/aigüe qui plantent un décor mouvant où l’instabilité règne. Tout cela est parfaitement cohérent avec le propos sur les règles perverties en période de guerre. « Ce qui se fait en temps de guerre, ne se juge pas avec les yeux civilisés d’un temps de paix ». À noter au cœur du morceau, des syncopes musicales ressemblant à des rafales de mitrailleuses, qui sont du plus bel effet.

05-No Return !

Avec un titre comme ça, on va se marrer, c’est sûr ! Heu… ou pas… Le groupe semble résigné sur le sort de la planète. Ils remercient nos décideurs pour leur inaction. Ils les invitent (généreusement) à nous épargner les excuses creuses qui ne tarderont pas à venir.

Le chant à la Jekill & Hyde cette fois-ci est sans appel. Si la voix pop énonce la situation, c’est le grunt qui accompagne le constat d’échec et ses répercussions dramatiques. Faites gaffe les dispensés de sport, les bordelais semblent avoir lancé la construction de leur Hexagone personnel…

Le band suit ce constat colérique avec un refrain lourd et sans espoir. Damien propose un solo stratosphérique et j’apprécie particulièrement les ponts qui permettent les changements de parties et les retours au thème principal (avec un basse batterie, ultra efficace). Une fois de plus, de nombreux éléments démontrent un gros travail pour que tout cela soit cohérent et logique.

06-Dream of Truth

On poursuit avec ce titre qui s’annonce dansant ! Jekyll & Hide entament le chant ensemble, comme des potes, portés par un band tout en mélodie. Bon, ultra rythmée la mélodie, hein, on n’est pas sur RTL2, faut quand même pas déconner. La chanson parle d’Owen qui ne semble pas tout seul dans sa tête.

Le batteur enchaine les breaks ultra précis et la guitare, sur une autoroute après avoir gentiment respecté les limitations de volume, s’envole enfin dans un solo aérien. A mon avis, les doigts de Damien ont dû être flashés quelques fois pendant l’exécution du solo. Mais ce n’est pas un motif suffisant pour se plaindre.

07-When a Metalhead Gets Dumped

Ca commence comme par un riff très 70’s mais la batterie tout en syncopes l’entraîne vite vers des sons plus lourds et moins datés. Le soutien de la basse, toujours encadrante et propre permet d’accueillir le chant. Le morceau est extrêmement bien construit et le voyage est plaisant. On passe par des phases lumineuses de souvenirs heureux d’une vie à deux contrebalancés par un dur retour à la réalité.

Le rythme change encore avec des ponts géniaux dont un mémorable après le solo de Damien. La basse prend un instant le lead avec une structure qui passe du binaire au ternaire comme par magie. Ce morceau a les épaules pour devenir un incontournable de l’album !

08-In Zombies Mind

. Nous n’évoquerons pas les raisons qui font s’interroger sur le quotidien d’un zombie, on n’est pas là pour ça et j’ai séché la psychologie en primaire… Par contre ça donne un morceau super efficace où l’alternance des chants est une nouvelle fois bien pensée. Je ne sais pas si c’est fait exprès mais les premières secondes me rappellent un vieux morceau de Faith No More (Ashes to Ashes), comme un hommage.

Bon, la comparaison est vite oubliée dès que la section rythmique rentre avec un son lourd qui emmène l’auditeur dans l’esprit un brin mono-maniaque du zombie.

Le pont et le refrain donnent l’impression d’une petite voix tentatrice qui pousserait le mort-vivant à faire péter ses derniers freins humanistes. J’apprécie que les syncopes soient portées par la basse sur les ponts (même s’il est quand même un peu suivi par l’homme aux baguettes et aux fûts… Heu… Non… Je ne pensais pas à un chef alsacien… Rien à voir… Essaie encore… Oui, voilà… le batteur ! C’est cool, tu l’as presque eu du premier coup !).

09-On a Fuse

Et nous voilà déjà arrivé au dernier morceau. On peut dire que les Helichryse n’ont pas l’intention de nous laisser partir sans prendre un dernier shot pour la route. Celui-ci sera violent et vif comme un uppercut au menton. Quel morceau !

Ça envoie du lourd, et on est spectateurs heureux d’une structure tout sauf longiligne qui donne l’impression d’un dernier sprint. Certains changements sont annoncés par ces deux notes slappées au son incroyable. Après avoir démarré avec un faux air de new métal des 90’s, le morceau prend des aspects punk. Puis hardcore au grès des changements rythmiques. Le propos sera selon ses propres perceptions, résigné et un peu désespéré ou vu comme cruellement objectif.


Finalement, « Born of Pain » malgré ses ambitieuses constructions est un album tout à fait cohérent et intense. Il aborde des thématiques sur le devenir irrémédiable du monde et sur une société en dérive et perte de sens. Musicalement c’est abouti, maîtrisé, bien produit et surtout c’est un album qui devrait donner lieu à des versions scéniques dingues.
Dans l’homéopathie, l’Helichryse, une fois transformée en huile essentielle est renommée l’Immortelle. Après l’écoute de « Born in Pain », pas sûr que le message du groupe soit que l’Homme survivra à ce monde lancé à fond en descente en direction d’un mur, sans que ses pilotes n’aient l’intention de freiner ou de l’éviter. En tout cas, on aura foncé avec délectation pendant l’écoute de ce 1er album. »

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Hubert nous parle d'Helichryse
Hubert Jaulin

Chroniqueur pour FPPA

Bassiste de Cargo



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